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MANIFESTE DE
L’UNIVERSITE TANGENTE


préambule

L’université tangente est une université zéro. Elle se constitue en rupture avec les recherches scientifiques, les productions et transmissions de connaissance, les pratiques culturelles et artistiques domestiquées par l’État ou le marché (§ 1).
De ce fait, l’Université Tangente crée et propose ses propres formes de vie, d’échanges, de savoirs et de jouissances. Tangente, elle manifeste, produit et diffuse des savoirs humains singuliers, autonomes et pluridisciplinaires (§ 2), des expressions de l’existence, des formes d’actions et d’organisations groupusculaires issues du monde vécu. Elle śuvre pour l’existence et la persistance des altérités (§ 3-1), pour la libre circulation des personnes (§ 3-2), pour le développement des relations sud-sud (§ 3-3), pour le déploiement de l’autonomie (§ 6) et le développement de la gratuité (§ 7).
En créant l’université tangente, nous voulons penser un lieu sans examens, par principe ouvert à tous. Un lieu de déconditionnement social dans lequel les participants sont co-producteurs de l’université.

lignes de fuite

§ 1 - S’ARRACHER À LA DOMESTICATION CULTURELLE

En 1998, 20 000 docteurs étaient au chômage en France et 34 500 professionnels de la création touchaient le RMI. Avec la sortie d’une société du travail et l’entrée dans une société du contrôle social, les nouveaux “prolétaires culturels” sont transformés en agent d’ambiance, médiateurs et esthéticiens de la démocratie ou sont employés dans des secteurs qui ne correspondent pas à leurs capacités personnelles ou scolaires (chercheurs ou artistes employés chez Pizza Hut, Macdo…).
Une créativité, une sensibilité et une intellectualité diffuse se maintiennent cependant en dehors du système des besoins et des circuits de production et de diffusion institutionnels ou marchands. C’est à l’écoute de ces divergences qui se manifestent, que nous imaginons les savoirs humains en évitant la médiation consensuelle et stérile si fréquente dans les milieux universitaires, scientifiques et artistiques.


§ 2 - SAVOIRS HUMAINS : SINGULIERS, AUTONOMES, PLURIDISCIPLINAIRES
L’université tangente est un lieu permettant de rassembler, de faire se rencontrer et d’analyser des savoirs humains singuliers, autonomes et pluridisciplinaires.
1 - Par savoirs singuliers, nous entendons les savoirs générés par la vie quotidienne et le monde vécu. Ces savoirs sont producteurs de leur propre essence (fondement, identité, réalité, légitimité, intérêt, pérennité) et de leur propre sens (aspects extérieurs, fonctionnalité, utilité, rapports au monde et aux autres savoirs). Ils développent leurs propres moyens de transmission (intergénérationnel ou cogénérationnel notamment).
2 - Les savoirs autonomes sont ceux qui, investissant à la fois les approches quantitative et qualitative des sciences humaines et le potentiel du monde vécu, détournent, se réapproprient ou réinventent les méthodes mises en śuvre à l’université, dans les administrations ou dans le système économique. En effectuant des recherches, des interprétations et des calculs, des collectes et des analyses de données, les savoirs autonomes énoncent des arguments et des significations se libérant des volontés de contrôle systémique, de normalisation et de rationalisation bureaucratique ou marchande de l’humain et de ses conditions de vie.
3 - À la différence des sciences humaines découpant l’humain en disciplines, les savoirs humains sont spontanément pluridisciplinaires. Ce sont des savoirs en construction qui requièrent à chaque instant l’interrogation et le regard des autres. Ils mettent en crise les cloisonnements universitaires et les logiques de chapelles, de castes, de corporatismes, où les chercheurs institutionnels s’autocongratulent au sein de leur mouvance vidant la recherche de sa générosité et de sa curiosité.


§ 3 - ALTÉRITÉS

1. CO-HABITATION PLANÉTAIRE
La production industrielle des individus manifestée dans le principe “un homme, une voix”, la sur-socialisation, de même que les replis identitaires effacent l'autre proche ou lointain, radicalement différent et accepté comme tel dans un espace de co-habitation planétaire.
L’université tangente envisage les savoirs humains dans l’altérité. Un savoir de (et dans) l'altérité est un savoir subjectif se manifestant en absence d’une imaginaire subjectivité générale telle que “l’homme”, “l’espèce” ou ”le genre humain”. Un savoir tolérant de l'altérité échappe nécessairement aux sciences humaines : il met l’accent autant sur le savoir que sur le refus du savoir et sur l’inconnaissable.

2. VOYAGER, MIGRER : UNE AUTRE MONDIALISATION
La révolution touristique des décennies à venir impose de réfléchir aux nouvelles formes de migrations, de mobilités, de déplacements, de vacances. Nous pensons qu'une “autre” mondialisation, enrichissante et positive, est possible par et grâce aux voyages. L'université tangente, par le biais du centre de recherche sur le voyage, śuvre à la déconstruction des imaginaires impériaux et coloniaux, à la redéfinition et à la redécouverte des termes de tourisme, d'exotisme et de voyage.

3. DÉVELOPPER DES RELATIONS SUD-SUD
L’Amérique du Sud, l'Asie et l’Afrique ont aujourd’hui tout à gagner à établir et à développer des relations fortes sans passer par l’Amérique du Nord ou par l’Europe : des relations Sud-Sud, la commission pour l’Occident prédateur en moins. Développer des recherches sur les continents sud-américain, africain et asiatique - recherches trop souvent occultées, désertées ou négligées en France, ou soumises au prisme d’un passé mal ou pas digéré - contribue notamment à cet objectif.


§ 4 - DÉCOLONISER LE MONDE VÉCU

Le monde vécu et les subjectivités sont de plus en plus dépendants, colonisés et contraints par différents dispositifs de contrôle, de normalisation et de rationalisation. L’université tangente entend développer et renforcer les autonomies : multiplier les possibilités de coexistence et d’organisation entre les humains, de distribution et de répartition des richesses et des pouvoirs. Ouvrir un champ de possibilités juridiques : se libérer de la fiction selon laquelle “nul n’est censé ignorer la loi”, du pouvoir des procureurs et des juges. Ouvrir un champ de possibilités quant à la production, la reproduction et la circulation des savoirs : se libérer des monopoles médiatiques, des polices scolaires, des mandarinats. Ouvrir un champ de possibilités quant à l’activité : se libérer du salariat et de l’obligation de travailler; choisir et auto-déterminer l’activité que l’on veut mener. Se libérer des appareils d’État dans la mesure où ils ne retournent pas d’une auto-détermination de la multitude par elle-même. Ouvrir un champ de possibilités amoureuses. Se libérer du système des besoins : supprimer les injonctions publicitaires et toutes les formes de consumérisme.


§ 5 - GRATUITÉ

À la différence des philosophies gestionnaires plaçant l’utilité et la productivité au fondement du réel, l’université tangente approche le monde par la gratuité et l’improductivité. À travers le centre de recherche sur la gratuité, elle réfléchit sur les manifestations de la gratuité dans le monde et la manière dont elle traverse le champ de production théorique (économie, théologie, sociologie, anthropologie, etc.). À travers la “zone de gratuité”, elle met à disposition des biens ou des propositions de services gratuits (sans contrepartie).
L’université tangente dénie toute validité à la nature patrimoniale du droit d’auteur et vise son abrogation. Elle vise l’instauration d’un revenu d’existence - malgré le risque qu’il puisse servir au maintien de la paix sociale en fixant des populations précaires dans leur impuissance - considérant qu’un tel revenu provoquerait ou renforcerait la créativité, les pratiques et la production de savoirs humains libérés du double assujettissement au système social et techno-scientifique.



universite-tangente@fr.st