La
politique de singularités “gratuites“ ne doit pas être entendu comme
cette politique du «tout est possible» qui se rapporte au pouvoir d’actualiser
et d’utiliser tout étant suivant un projet.“Tout est possible“ qui signifie
aussi le “tout est permis“ du totalitarisme - est le fait d’une Puissance transformée
en pouvoir. Promesse d’actualisation de tout potentiel, projet de législation
du réel. Or la politique de la gratuité détermine la puissance
autrement qu’en tant que “vouloir-par-delà-soi-même” (la volonté
de puissance de Nietzsche ou la dunamei d’Aristote), autrement qu’en tant que puissance
d’actualisation. Dans une telle politique non-intentionnelle, il n’y a pas un pouvoir
constituant (une intentionalité politique) se manifestant comme puissance
d’auteur et installant de façon concertée une constitution ou un rapport
entre les êtres. Une telle politique ne peut donc se poser comme question (c’est-à-dire
comme intentionalité ou visée). Une politique de la gratuité
plutôt que de s’entendre sous le mode du “tout est possible” (puissance d’actulisation)
laisse en réserve l’être sur le mode de la Puissance. Or la puissance
n’est pas une auto-fondation et ne peut être fondée. À la différence
de la Constitution ou du Contrat se tenant comme promesses d’une société
possible, la Puissance est cette promesse même, une promesse sans fin, une
puissance d’histoire se maintenant en réserve de toute histoire possible,de
toutes actualisations historiques.On ne peut dire qu’une telle politique de Puissance
est le fait d’une espèce en particulier. Toute singularité se manifeste
en effet en absence d’essence, sur le mode d’un rapport de potentialités,
d’un non-encore-devenu dont les particularités (actualisations) sont fondamentalement
provisoires.
La théorie politique moderne est actualisante et essentialisante : elle a
l’Homme pour horizon et c’est sur son essence qu’elle intègre l’État
chronologiquement en articulant à un éxécutif (une administration
s’effectuant comme actualité), un législatif (projetant vers une actualité
future) et un judiciaire projetant vers cette actualité passée des
lois, réitérées dans l’acte de jugement.
Or, une politique de la Puissance ne peut se manifester comme programme ni même
comme projet. Il s’agit donc bien d’une politique de personne - autrement dit, d’une
manifestation pré-individuelle d’un collectif ne se fixant pas en système
d’individuation, en une prise de forme constitutionnelle, c’est-à-dire en
actualisations judiciaires, éxécutives et législatives.
JUILLET 2000 |